La conférence-débat « Indispensables ! De l’utilité sociale des associations » a eu lieu lundi 19 février au Forum IRTS de Lorraine, devant plus de 230 personnes. L’occasion pour le collectif messin qui s’est formé suite aux restrictions budgétaires et aux nouvelles orientations politiques de s’interroger sur ses missions et d’alerter les pouvoirs publics.
Lundi 19 février, associations messines, élus, étudiants de l’IRTS mais aussi simples curieux se sont retrouvés pour échanger dans le cadre de la conférence-débat « Indispensables ! De l’utilité sociale des associations ». L’occasion surtout pour ces dernières d’exprimer leur inquiétude. Ce dont ne s’est pas privé Marc Menel, cadre de formation au Forum IRTS Lorraine, dès son discours introductif : « le collectif craint pour l’avenir, qui s’annonce précaire. On assiste à un désengagement de l’État et ce, alors que l’utilité des associations n’est nullement remise en cause ». Un désengagement d’autant plus préoccupant que, pour Marc Menel, « il n’existe pas d’alternative sérieuse et durable aux financements publics ».
De leur côté, Alain Pidolle et Hervé Pritrsky, présidents respectivement de La Passerelle et des PEP57, ont souligné dans leurs discours d’ouverture de la soirée « le besoin d’une réflexion commune qui ne doit pas s’arrêter à ce seul événement ». Afin de lancer le débat, le public a ensuite assisté à la diffusion d’un documentaire dans lequel Wejdan Nassif et Emine Chaush évoquent le parcours qui les a vues arriver en France ainsi que leur apprentissage de la langue.
S’en est suivie une première table-ronde sur le sujet « Langue et intégration » à laquelle ont participé Wejdan Nassif, réfugiée politique, Suissi Hamnourni, écrivain public, Frédéric Lorenzi, directeur du centre social Pioche, Belkir Belhaddad, député de la Moselle et Selima Saadi, adjointe au Maire de Metz, chargée de la Politique de la Ville. Cette dernière a souligné « l’importance de la langue comme vecteur d’intégration » et la « grande maladresse » de la décision prise durant l’été de retirer des crédits, pourtant accordés par l’État, dans le cadre du Contrat de Ville. Ce revirement de la part du gouvernement représente, en effet, une perte de 90 000 euros sur les 130 000 prévus : un changement de budget pour le moins conséquent.
Une vision à plus long terme serait « une évolution majeure »
Belkir Belhaddad a, quant à lui, tenu à préciser que « le budget de la politique de la ville a été sanctuarisé » et que deux propositions avaient été faites au Parlement. L’une pour garantir 400h d’apprentissage de la langue française aux demandeurs d’asile, l’autre pour engager un grand plan de montée en compétences qui concernerait, notamment, le milieu associatif. Frédéric Lorenzi a évoqué « le décalage qui existe entre le besoin constant de cours de FLI [Français Langue d’Intégration, ndlr] et la demande de financement, qui doit être sans cesse renouvelée. Il n’y a pas de garantie pour le poste d’écrivain public : une vision à quatre ans serait une évolution majeure ». Lors de l’échange avec le public, la formation et la professionnalisation des salariés associatifs ont été abordées ainsi que le besoin de pérenniser les emplois, « ce qui passe par des subventions publiques ».
Le deuxième documentaire de la soirée a plongé le public au coeur de MJC des 4 Bornes pour en apprendre plus sur l’éducation populaire mais aussi sur ce qu’est un projet pédagogique.
La table-ronde qui a suivi s’est intéressée au sujet « Vie collectif et vivre ensemble » et a réuni Moustapha Mebarki de Cultures 21, Hervé Pritrsky, président des PEP57, Margaud Antoine-Fabry, adjointe au Maire de Metz, jeunesse, relations avec les acteurs socioculturels, Metz Plage, Jean-Denis Soulis, président de Lorraine Le Mouvement associatif et Isabelle Zannier, député de la Moselle. Hervé Pritrsky a tenu, lui aussi, à rappeler la nécessité des financements publics pour les associations, « si leur utilité est reconnue ». Il a également insisté sur le fait de « prendre en compte les besoins et demandes des jeunes afin de les amener vers la citoyenneté ».
Une opposition entre petites et grandes associations contreproductive
Margaud Antoine-Fabry a précisé que « lorsqu’un projet est créé, il faut chercher à le partager le plus largement possible afin qu’il survive, notamment aux changements politiques ». Elle a également attiré l’attention du public sur une problématique : « je constate, dans les échanges auxquels j’assiste, une opposition entre petites et grandes associations. C’est d’autant plus surprenant que l’on parle de vivre ensemble. Il faut réviser ce jugement : toutes sont nécessaires, quel que soit la taille ». Isabelle Zannier a, quant à elle, voulu rappeler que toutes les associations n’employaient pas de salariés et n’étaient donc pas toutes confrontées aux mêmes problèmes. L’échange avec le public a été l’occasion d’évoquer la perte de lien entre l’État et les acteurs associatifs mais aussi l’évolution du modèle d’économique « qui tend de plus en plus vers la start-up ».
Après ces débats animées, tous avaient bien besoin de reprendre des forces. Ce qu’ils purent faire lors d’un apéritif dinatoire préparé par l’association Fauve. Avec l’estomac bien rempli, le public a ensuite pu apprécier comme il se doit le dernier documentaire de la soirée, qui a mis en valeur les actions menées par les associations sur le territoire messin.
Pour conclure en beauté cette soirée, Jean-Yves Trepos, sociologue, a proposé une conférence sur le thème « L’animation du territoire par la vie associative ». Durant celle-ci, il a notamment abordé la question du triple défi auquel sont actuellement confrontées les associations : comprendre les attentes du public, définir des projets inventifs et se situer par rapport aux pouvoirs publics et à leurs stratégies. Elles doivent, afin de saisir les besoins des populations, s’intéresser « aux différentes façons d’habiter le quartier : toutes n’impliquent pas un investissement à long terme. Si elles ne prennent en compte qu’une dimension, les associations manqueront 80% de la population ». Concernant les projets des professionnels, « ceux-ci doivent construire des réseaux, mobiliser des savoir-faire et accompagner l’émergence, l’empowerment ». Il constate également un passage des subventions au marché public et au financement par les usagers.
Dès lors, que doivent faire les associations pour animer le territoire ? « Deux modèles sont possibles, résume simplement Jean-Yves Trepos. Celui de la maîtrise, qui plaît aux pouvoir publics ou celui de la circulation, qui suppose une entité de coordination mettant en contact les associations sans s’accaparer le pouvoir ». Il suppose une bonne connaissance du territoire et une réflexion autour d’une construction collective, qui ne fait aucune distinction entre petites et grandes associations, bénévoles et professionnels, etc. « La mise en place de ce modèle suppose un seuil minimum, la pérennisation des emplois. C’est ce qui a été défendu ce soir par les associations ». De façon efficace ? C’est tout du moins ce qu’espère le collectif d’associations à l’origine de cet événement, avec une promesse : cette soirée était un début, pas une finalité.