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« Knit’s Island », le jeu vidéo comme forme documentaire [POSE B 04]

Quentin L'Helgoualc'h, co-réalisateur du documentaire "Knit's Island - L'île sans fin" au Luxembourg City Film Festival. © Photo et graphisme Aurélien Zann / Bornybuzz

Quentin L'Helgoualc'h, co-réalisateur du documentaire "Knit's Island - L'île sans fin" au Luxembourg City Film Festival. © Photo et graphisme Aurélien Zann / Bornybuzz

POSE B | Quentin L’Helgoualc’h, co-réalisateur du documentaire « Knit’s Island – L’île sans fin » avec Ekiem Barbier et Guilhem Causse. Présenté en compétition au Luxembourg City Film Festival, le long-métrage se déroule à l’intérieur du jeu vidéo en ligne DayZ, où les avatars numériques des 3 documentaristes explorent ce monde numérique. Le réalisateur revient sur son film au Cinéma Utopia de Luxembourg-Ville, avant son Q&A avec des lycéens luxembourgeois. Le film sort au cinéma en France le 17 avril 2024.

Entretien : Fabien RENNET et Valentin MANIGLIA | Images : Aurélien ZANN | Montage : Fabien RENNET | Bornybuzz Média – mars 2024

Présentation du réalisateur Quentin L’helgoualc’h

BORNYBUZZ : Pourriez-vous, dans un premier temps, vous présenter très brièvement ? 

QUENTINL’HELGOUALC’H : Je m’appelle Quentin L’helgoualc’h, je suis réalisateur et je suis ici pour présenter Knit’s Island qu’on a réalisé à 3 donc avec Ekiem BarbierGuilhem Causse. Le film sera en salles le 17 avril en France et il est sorti au Chili le 29 février.

Entretien avec Quentin L’Helgoualc’h, co-réalisateur du documentaire « Knit’s Island – L’île sans fin » au Cinéma Utopia de Luxembourg Ville | Photo BORNYBUZZ / Aurélien ZANN

Le documentaire « Knit’s Island » explore le monde du jeu vidéo

BORNYBUZZ : Quelle est la particularité de ce film ? 

QUENTINL’HELGOUALC’H : C’est un film documentaire qui est tourné essentiellement dans les jeux vidéos en ligne. Donc on a choisi un jeu vidéo qui s’appelle DayZ, qui est un jeu de survie sur une grande map rurale où, au sein d’une grande marche, il faut récolter de la nourriture, de l’eau, plein d’artefacts qui fait qu’on peut survivre dans ce monde là. Et les gens se rencontrent au fur à mesure. On a décidé avec ces deux autres auteurs de rencontrer des joueurs au sein de ce jeu et de leur poser des questions et de les suivre dans cette aventure. Et ça a donné lieu à ce film qui est un long métrage qui s’appelle Knit’s Island.

La rencontre internet à bas débit

BORNYBUZZ : Pourquoi avoir pris DayZ comme jeu ? 

QUENTINL’HELGOUALC’H : On a pris ce jeu DayZ parce que il nous semblait développer plein de questionnements et donner pas mal de réponses à la problématique d’Internet, à la problématique du virtuel. Dans le sens où en même temps il prenait à contresens cette idée d’Internet qui est une communication ultra rapide avec des gens dans le monde entier. Et que le jeu est une proposition plutôt de demander du temps, un temps nécessaire à la rencontre avec l’autre. Il faut imaginer une carte très très grande où les joueurs, il y a une centaine de joueurs sur une superficie qui serait celle de Toulouse je crois, pour essayer de se représenter.

Donc en effet, on ne se rencontre pas tout le temps. Il faut des fois plusieurs heures pour pouvoir rencontrer un autre individu. Et la communication se fait toujours dans une sorte de suspense. « Qui est l’autre ? Qu’est-ce qui va se passer avec l’autre ? Est-ce qu’on va réussir à communiquer ou est-ce qu’il va y avoir une violence ? » Et en fait tout cet enjeu de la communication ramène quelque chose de très primaire à la rencontre internet.

Docufiction

BORNYBUZZ : Est-ce un choix de votre part d’entretenir le flou entre l’avatar et le joueur ? 

QUENTINL’HELGOUALC’H : On arrive dans un monde où déjà on ne sait plus exactement à qui on s’adresse. Et en fait on l’oublie très vite parce qu’on est dans une dans un lieu de fiction on est dans un lieu de projection. Sauf que notre notre axe de travail était celui de la réalité.

Donc l’idée c’était de rencontrer des personnages de fiction, qui se présentent comme ça en tout cas, et de progressivement arriver à rencontrer la vraie personne en dehors, à travers cette personne de de fiction. Donc ça a été tout l’enjeu. Toutes les couches que les personnes fabriquaient qui étaient des couches fictionnelles mais qui sont aussi des couches de protection, je pense, de vie intime, de personnalité. On essayait de transpercer ces couches pour accéder à une personne réelle.

Knit’s Island – L’île sans fin, documentaire de Ekiem BARBIER, Guilhem CAUSSE et Quentin L’HELGOUALC’H © Les Films Invisibles / Square Eyes

L’équipée sauvage

BORNYBUZZ : Comment vous êtes-vous réparti les rôles pendant le tournage ? 

QUENTINL’HELGOUALC’H : Dans le jeu il y avait comme le besoin de créer une vraie équipe de tournage, comme en documentaire réel. Donc il nous fallait une bonne prise de son. Quelqu’un qui s’occupe aussi de la technique parce qu’en fait il y a tout une part de système du jeu qu’il fallait comme modifier et se réinventer pour créer un film.

Guilhem Causse par exemple est assez bon dans tout ce qui est jeu vidéo. C’est quelqu’un qui a beaucoup d’expérience là-dedans. Et beaucoup d’expérience aussi dans tout ce qui est informatique. Donc c’est lui qui a créé aussi les machines et tout le dispositif technique pour pouvoir filmer dedans qui était assez complexe. Parce qu’e ‘il y a la problématique de séparer les pistes son pour pouvoir monter après comme en cinéma, pour pouvoir remixer et monter le son.

Ekiem Barbier est quelqu’un qui a déjà tourné des documentaires et qui est très à l’aise pour, à partir de premières questions, les creuser et au fur à mesure prendre une personne et l’amener quelque part. Qui est peut-être autre part que là où elle aurait aimé aller. Donc il y a comme ça des rôles. Moi il y avait quelque chose de l’image et de la mise en scène qui me plaisait aussi. Donc les choses sont sont dispatchées de façon naturelle.

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Le Jeu de la mort

BORNYBUZZ : Est-ce que le fait qu’il y ait une Mort permanente dans le jeu influe sur le comportement des joueurs ? 

QUENTINL’HELGOUALC’H : Oui, à chaque mort il y a un recommencement. Donc le personnage redémarre sur des zones de Spawn qui sont sur les régions côtières de la carte. Et on on se retrouve avec un avatar qui est démuni de tout ce qu’on avait récolté avant et il faut quand même tout recommencer. Donc il faut imaginer que la mort c’est comme une perte de temps énorme dans un jeu qui en demande déjà à la base beaucoup.
Ce qui s’est passé c’est qu’au début on rencontrait les gens par le biais du jeu vidéo et en fait très vite on se faisait tuer. Donc très vite on revenait à chaque fois sur la plage. On ne se faisait pas comprendre non plus : Comment expliquer aussi les enjeux de nous notre projet qui était le projet de faire un film ?

En fait la plupart des joueurs au début pensait qu’on était en train de jouer un rôle de journaliste comme eux jouent un rôle de cowboy ou de groupe armé cannibale ! A quel moment on leur dit qu’il y a une réalité dans notre projet ? Parce que c’est vrai ! C’est du jeu ce qu’on est en train de faire. Faire un film, c’est du jeu.

La faute aux jeux vidéo

BORNYBUZZ : Comment avez-vous établi la confiance avec les joueurs hostiles à votre présence ? 

QUENTINL’HELGOUALC’H : Dans ce jeu il y a une violence. Les hommes sont des loups pour l’homme. Et progressivement on peut aller au-delà. On installe un campement. On commence à rester une semaine, deux semaines. Et en fait les gens commencent à s’habituer à nous, à comprendre notre projet et qu’on n’est pas contre eux, mais avec eux. Et qu’on veut faire un film avec eux et pas sur eux. Progressivement, on a pu même louer une chambre dans une caserne, dans un groupe armé qui nous aidait, qui nous nourrissait, qui nous donnait des armes pour chasser. Qui était comme des mécènes ou des partenaires financiers même du film. Et du coup, dans le jeu, on avait une aide qui nous a permis de filmer après plus longtemps.

Alexis Juncosa et Quentin L’Helgoualc’h, au Q&A du documentaire « Knit’s Island – L’île sans fin » au Luxembourg City Film Festival | Photo BORNYBUZZ / Aurélien ZANN

Become Human

BORNYBUZZ : Quel est le retour du public en festival ? 

QUENTINL’HELGOUALC’H : Il y a de l’humain dans cet univers là. Il y a des gens qui ont des choses à dire, qui pourraient être vos voisins, qui pourraient être « Monsieur et Madame tout le monde », qui sont en fait vous en tant que spectateur. Et d’un coup il se passe autre chose en fait. Peut-être que le cinéma permet ça, de créer l’empathie ultime chez un spectateur avec l’autre. Et c’est là où le documentaire fait vraiment sens en salle, c’est qu’on peut se mettre à la place de l’autre.

Je pense que pour le jeu vidéo ça a une part très importante, dans le sens où il faut avoir une part d’éducation dans le jeu vidéo. Et l’éducation, je pense qu’elle se passe par essayer de comprendre pourquoi l’autre passe autant de temps dans dans un jeu ? Pourquoi il y a un intérêt dans un monde comme ça ? C’était un pari aussi pour ça, parce que nous c’était nos propres questionnements de se dire « Qu’est-ce qu’il se passe là-dedans ? Qu’est-ce qu’il se passe dans ces mondes pour qu’il y ait autant de gens et pour qu’il y ait autant de temps qui soit donné à ça ? » Et ça a répondu à nos questions de se mettre à la place des autres et de se rendre compte que, oui il y a plein de choses à aller chercher là-dedans !

Jeu d’auteur

BORNYBUZZ : On commence même à voir la notion d’auteur dans le jeu vidéo depuis peu.

QUENTINL’HELGOUALC’H : Il n’y a pas de doute que le jeu est un médium artistique à part entière et singulier. Dans le sens où c’est quelque chose de nouveau parce qu’on interagit avec l’image, parce qu’on crée de l’image quand on est joueur. On n’est pas seulement spectateur. Et du coup ça nous ancre dans un autre rapport. On est immersion. Et pour ça l’immersion forcément questionne et est trop puissante aussi ! Il faut s’en servir comme un bon outil. 

Quentin L’Helgoualc’h, co-réalisateur du documentaire « Knit’s Island – L’île sans fin » au Luxembourg City Film Festival | Photo BORNYBUZZ / Aurélien ZANN

Remerciements

Alexis Juncosa et Pierre LECLERC, Luxembourg City Film Festival
Pierre COMMARMOND, Norte Distribution
Valentin MANIGLIA, Le Quotidien
Volodine, stagiaire

Entretien : Fabien RENNET et Valentin MANIGLIA | Images : Aurélien ZANN | Montage : Fabien RENNET | Bornybuzz Média – mars 2024
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