Un, deux, trois…déconfinés !

par | Mai 29, 2020 | Entre les quartiers

Depuis le 11 mai, les Français se déconfinent. Après près de deux mois passés chez eux, les enfants peuvent enfin retourner à l’école, retrouver leurs copains et courir dehors. Nous sommes allés à la rencontre des différents acteurs messins pour voir comment se passe le déconfinement pour les enfants à Borny.

Le 11 mai a marqué la fin d’une situation exceptionnelle, qui a bouleversé le quotidien de tous. Les enfants aussi ont vu leurs habitudes bousculées par le confinement, affirme Noëlle Antoniazzi, infirmière en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à la retraite. « Cette pandémie, c’est un événement qui n’est pas évident à se représenter pour eux. Avec le confinement, tous les repères d’espace, de temps ont été très perturbés : les parents qui ne vont plus travailler ou qui travaillent à la maison, ils ne vont plus à l’école, ne voient plus les grand-parents, les copains, ne peuvent plus jouer dehors,…Tout ça, ce n’est pas simple à gérer pour les enfants, quel que soit leur âge ». Certains ont même pu développer des troubles dépressifs : les parents doivent donc être attentifs au comportement de leurs enfants, explique Noëlle Antoniazzi.

Sur le chemin de l’école

Depuis le déconfinement, les enfants ont donc pu retrouver leurs copains, rendre visite à leurs grand-parents et passer du temps à jouer dehors. Certains ont aussi retrouvé le chemin de l’école. En effet, les écoles messines ont rouvert le 12 mai pour les enfants des familles volontaires. Une décision qui n’a pas été prise par la Ville de Metz, tient à préciser Danielle Bori, adjointe au maire en charge de l’éducation : « c’est le président et le ministre qui ont annoncé que les écoles allaient rouvrir. La Ville a dit qu’elle était en capacité de le faire mais la décision ne vient pas de la mairie ».

Ce choix de rouvrir les écoles est le bon pour Noëlle Antoniazzi.

Je pense que oui, il faut que les enfants retournent à l’école. Ils ont besoin des relations avec leurs copains, d’interactions sociales et de revoir leur maîtresse. Ils ont aussi besoin d’apprendre : ils sont curieux des apprentissages scolaires. L’école répond à ces besoins. Ils ne peuvent pas grandir en restant collés éternellement à leurs parents.

Pour se construire, l’enfant doit se socialiser, poursuit Noëlle Antoniazzi, ce qui rend le retour à l’école important. Toutefois, il peut aussi être difficile à vivre pour certains.

Une reprise très encadrée

Pour préparer au mieux le retour des enfants à l’école et leur accueil dans de bonnes conditions sanitaires, les directeurs et directrices des écoles messines ont mis un place un protocole d’accueil, avec l’aide de l’Inspection de l’Éducation Nationale et de la Mairie de Metz. Pour ce faire, ils se sont appuyés sur les directives du Ministère de l’Éducation Nationale. Le matériel et le personnel nécessaires ont été mis à disposition par la Ville de Metz, précise Danielle Bori.

Le jeudi 14 mai, 17% de l’effectif global des élèves messins étaient de retour à l’école avec des différences énormes selon les quartiers. Ainsi, si 60% des enfants avaient repris les cours à Queuleu, ils n’étaient que 7% à Borny. « C’est dommage, regrette Danielle Bori. Si on avait dit que l’école était obligatoire pour tout le monde, il y aurait eu plus d’enfants. Avec le volontariat, on savait qu’il y aurait des disparités ».

Même au sein des écoles, les écarts se creusent. À l’école maternelle les Mirabelles, les enseignantes s’inquiètent ainsi de n’avoir vu revenir, en mai, que des « excellents élèves » alors que le retour à l’école avait comme but d’éviter le décrochage scolaire. Elles s’alarment également du fait que certains élèves allophones n’auront pas entendu parler français pendant des mois. La réouverture des écoles devait permettre aux élèves en difficulté de reprendre le cours de leur scolarité. Cela ne semble pas se réaliser dans les faits. La Ville de Metz a conscience de cette situation, assure Danielle Bori.

Mais concrètement, comment se passe la reprise dans les établissements scolaires ? Nous nous sommes rendus à l’école primaire Maurice Barrès et à l’école maternelle Les Mirabelles pour voir comment enfants et enseignants s’adaptent à ce nouveau mode de fonctionnement.

Le retour des enfants en primaire : à l’école Maurice Barrès

Comme dans toutes les écoles messines, les enseignants et la directrice ont dû mettre en place un protocole, qui a ensuite été envoyé aux parents d’élèves. Ceux-ci ont alors pu décider de renvoyer ou non leurs enfants à l’école. Sophie Muller, la directrice de l’établissement, détaille les différentes mesures mises en place et la façon dont la reprise s’est déroulée.

Après une semaine, 17,5% des élèves étaient revenus dans l’établissement. « Je trouve que finalement, on a un beau taux d’accueil, qui a été progressif sur le semaine de la rentrée, se félicite Sophie Muller. J’entends aussi les inquiétudes des parents sur la situation sanitaire. Je pense que, petit à petit, on va augmenter les effectifs accueillis, tout en continuant également le télé-travail ».

En effet, si certains enseignants sont présents au sein de l’établissement, d’autres travaillent depuis chez eux. Cela permet de réorganiser le fonctionnement de l’école et de répartir les tâches. Les enseignants ne sont donc plus nécessairement en contact avec les élèves qui étaient les leurs avant le confinement. Ceux qui sont en télétravail continuent à accompagner les élèves restés à la maison. « Cela a ses limites, reconnaît Sophie Muller. On envoie des choses par mail, des sites internet à visiter. Ça peut être aussi par téléphone : il y a des enseignants, par exemple, qui font de la lecture avec des élèves de CP ». L’école organise également des permanences, sur rendez-vous, tous les matins de 10h à 11h, durant lesquelles les parents peuvent venir chercher les devoirs pour leurs enfants.

Malgré les différents dispositifs mis en place, le lien avec certains parents a disparu, regrette la directrice : « il y encore quelques familles qu’on a du mal à joindre et avec qui on aimerait bien reprendre contact. Ce ne sont pas forcément les allophones qui sont difficile à joindre. D’ailleurs, plusieurs sont revenus à l’école dès le 11 mai. Nous sommes également en contact avec les associations, qui nous aident à entrer en contact avec les familles primo-arrivantes ».

Concernant le suivi pédagogique, les enseignants se sont adaptés :

Les enfants, quant à eux, vivent plutôt bien cette reprise pas comme les autres. Ils sont revenus « très contents et l’ont exprimé ». Ils ne semblent, pour l’instant, pas souffrir du manque de contact physique avec leurs camarades et n’ont pas l’air surpris de voir les enseignants avec un masque. « L’accueil a été travaillé avec la psychologue du RASED (Réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, ndlr), qui a aussi conseillé les équipe sur les attitudes et les bonnes pratiques à adopter avec les enfants », précise Sophie Muller.

La réaction des enfants ne surprend pas Noëlle Antoniazzi, qui souligne leur capacité d’adaptation.

Le retour des enfants en maternelle : aux Mirabelles

Lorsque l’équipe de l’école maternelle Les Mirabelles a appris que l’établissement allait devoir rouvrir le 12 mai, elle a organisé, pendant une semaine, plusieurs réunions par visio-conférence pour rédiger un protocole propre à l’école. « Il y a un protocole général mais il faut l’adapter à la structure de l’établissement, au nombre d’enseignants, d’ATSEM (Agent territorial spécialisé des écoles maternelles, ndlr), etc. », explique Anne-Marie Schel, enseignante aux Mirabelles. Il a ensuite fallu mettre en place les différentes mesures le 11 mai, le jour de la pré-rentrée.

Toutefois, le temps ayant été pluvieux le 11 mai, le concierge n’a pas pu réaliser le tracé dans la cour de récréation pour la rentrée. Les enseignantes ont donc aménagé un tracé provisoire avec du matériel de la salle de jeux.

Après ces préparatifs, la rentrée s’est faite progressivement au sein de l’école. Les grandes sections ont repris le 12 mai et les moyennes le 18. Les petits, quant à eux, reviendront en juin. « Les élèves sont venus avec le sourire », assurent les enseignantes. Toutefois, ils n’ont pas forcément retrouvé leur maîtresse, certaines institutrices étant obligées de rester chez elles. Les classes ont également été remaniées car tous les élèves ne sont pas présents. « Ils ont dû s’adapter à la nouvelle maîtresse, aux nouveaux copains : ça n’a pas été évident », reconnaît Mme Pellet-Many, enseignante aux Mirabelles.

L’organisation des récréations a également changé. Les élèves, accompagnés de l’assistante pédagogique, sortent maintenant deux par deux.

Au-delà de deux, c’est très compliqué. Les enfants, spontanément, ont envie de jouer ensemble, ce qui est totalement logique : cela fait longtemps qu’ils ne se sont pas vus. On a aussi la possibilité de sortir des trottinettes et des vélos, ce qui leur permet d’être à l’extérieur. Rester assis toute la journée dans la classe, c’est un petit peu long sinon.

Les salles de classe ont également des cours accolées, ce qui permet d’organiser des petites séances de gymnastique. « On essaye de varier les activités, de faire un peu de graphisme, de manipulation, poursuit Mme Pellet-Many. Sachant qu’après, il faut tout nettoyer ». Malgré leur très jeune âge, les enfants se sont très bien adaptés aux gestes barrières, assure Sybille Lett, enseignante à l’école Les Mirabelles. Ils ont aussi rapidement pris l’habitude de voir leur maîtresse avec un masque.

Le retour des enfants à la cantine

Comme les écoles ont rouvert, les restaurants scolaires ont dû faire de même. Tous ceux se trouvant « sur site », c’est-à-dire dans les écoles, accueillent de nouveau des élèves de primaire et de maternelle pendant la pause méridienne. Ce n’est pas le cas de ceux nécessitant que les enfants se déplacent pour s’y rendre. « On veut éviter qu’ils prennent les transports en commun pour le moment », précise Danielle Bori.

De plus, tous les restaurants ne peuvent pas rouvrir aussi par manque de personnel : certains employés sont malades, vivent avec des personnes fragiles,… et ne peuvent donc pas travailler sur site. Au fur et à mesure de leur retour, de nouveaux restaurants pourront accueillir les enfants. « Comme on a de la restauration dans les collèges, il faut aussi attendre qu’ils rouvrent pour que les enfants puissent y retourner. Il y en a également qui se fait dans un lycée et dans des foyers de logement de personnes âgées, où on ne peut décemment pas mettre des enfants, détaille l’adjointe en charge de l’éducation. Il va donc falloir repenser l’organisation pour que tous les enfants puissent avoir un endroit où passer leur pause méridienne ».

En attendant, les élèves qui n’ont pas accès à un restaurant scolaire et qui ne peuvent pas rentrer chez eux pour le déjeuner, peuvent se rendre dans les lieux d’accueil, qui avaient été mis en place pendant le confinement pour les enfants des soignants, pompiers, policiers,… Ils y seront accueillis toute la journée, de 7h30 à 18h45. La question de la précarité alimentaire qui peut toucher les familles est prise au sérieux par la Ville de Metz, insiste Danielle Bori.

Le retour des enfants au périscolaire

Suite à la réouverture des écoles, le périscolaire a repris du service le 18 mai. Là-aussi, pour que l’accueil des enfants se passe bien, les associations ont dû mettre en place un protocole sanitaire particulier. La MJC de Metz Borny s’est ainsi inspirée de celui de la mairie mais aussi de celui spécifique aux accueils collectifs de mineurs, qui lui a été envoyé par la Direction Départementale de la Cohésion Sociale. « On a adapté tout ça au fonctionnement et aux locaux de la MJC », précise Pierre Caillet, directeur du périscolaire.

Il a aussi fallu faire « cohabiter » l’école et le périscolaire, le second se déroulant souvent dans les locaux de la première. Et ce alors que le protocole de l’un ne correspond pas à celui de l’autre. La semaine supplémentaire dont ont bénéficié les associations par rapport aux écoles n’a donc pas été de trop.

Lors de la première semaine de réouverture du périscolaire, entre 10% et 17% des inscrits étaient présents. Un accueil en petit effectif, qui a rassuré les équipes de la MJC, affirme Pierre Caillet.

Au périscolaire, comme dans les écoles, les enfants s’adaptent rapidement et respectent les gestes barrières. Ils ont, par exemple, compris qu’ils ne pouvaient jouer qu’à des jeux sans contact. Si, depuis le 18 mai, l’accueil se déroule donc bien, le directeur de la MJC, Vincent Villemin, émet quelques réserves sur cette nouvelle organisation.

Des conseils pour les parents

Le déconfinement se déroule donc de façon très encadrée pour les enfants, qui semblent accepter assez facilement ce nouveau fonctionnement. Si toutefois vos enfants ont du mal à vivre cette situation exceptionnelle, si le retour à l’école les angoisse, Noëlle Antoniazzi, infirmière en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à la retraite, vous donne quelques astuces pour les aider :

  • Être attentif à vos enfants, repérer les changements de comportement : troubles du sommeil, manque d’appétit, d’intérêt, baisse d’activité,…
  • Leur donner la parole et les aider à exprimer leurs ressentis, leurs peurs,…
  • Dessiner ensemble ou faire des jeux de rôles : « on retourne à l’école ? Alors dessinons l’école, les copains. Dans la création, il peut y avoir la mise en scène de quelque chose ».
  • Être plus tolérant et surtout éviter les pressions scolaires : « il faut les valoriser et leur redonner confiance. Si les parents ont plus peur que les enfants qu’ils échouent à cause de ça, c’est la catastrophe. Il faut vraiment qu’ils aient confiance dans les enseignants et dans les enfants ».
  • Les rassurer : « ce n’est pas quelque chose qui va durer. Ils ne risquent pas grand chose et leurs parents non plus mais il faut faire attention aux grands parents ».
  • Les valoriser : « en acceptant de jouer le jeu des gestes barrières, ils participent à la lutte contre le virus. Ils ne subissent pas seulement : ils sont aussi acteurs ».

Pour parler du virus et des gestes barrières de façon humoristique, vous pouvez aussi vous plonger dans les aventures de Covid, le vilain virus.